Primes à la démagogie
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Publié le 24 mars 2010 à 05h00 l Mis à jour le 24 mars 2010 à 08h35
Brigitte Breton Le Soleil
http://www.lapresse.ca/le-soleiliopinionsieditoriaux/201001123/01
(Québec) Délice des journalistes, source de colère et d'envie chez les contribuables, patate chaude pour les politiciens, façon de rémunérer les compétences et les performances. Les bonis versés aux dirigeants des sociétés d'État sont loin de faire l'unanimité. Et pour cause. Ceux qui les défendent et ceux qui les pourfendent prennent tous deux des raccourcis.
Dernier cas sur la place publique : les primes versées aux quatre vice-présidents de la SAAQ (Société de l'assurance automobile du Québec). En 2008, ils ont eu droit à des bonis de 139 778 $, comparativement à 47 272 $ en 2006. Pour le responsable des technologies de l'information, une somme de 45 084 $ s'est donc rajouté à son salaire annuel de 178 000 $ (un salaire plus élevé que les 175 000 $ versés au premier ministre par l'Assemblée nationale).
La nouvelle a évidemment suscité les réactions habituelles. Bonis inacceptables et indécents pour les uns, mais justifiés pour les autres. La ministre Julie Boulet dit même que son gouvernement n'acceptera pas des bonis inacceptables, exagérés et abusifs, alors que la politique de rémunération variable de la SAAQ, prévoyant un boni maximum de 30 %, a été approuvée par le Conseil des ministres en juin 2008.
Plus de transparence
Qu'il s'agisse de la SAAQ, d'Hydro Québec, de la Société des alcools, de Loto-Québec et même de la Caisse de dépôt et placement du Québec, le scénario est toujours le même. Est-il possible d'en sortir? Oui. En mettant de côté la démagogie et en rendant les indicateurs de performance qui donnent droit aux bonis plus clairs, plus transparents.
À en croire certains, les dollars versés en primes seraient l'unique cause des hausses des tarifs d'immatriculation ou d'électricité, des mauvais rendements à la Caisse de dépôt ou du déficit de la province. Abolissons les bonis et tout ira bien. Évidemment, ce n'est pas aussi simple
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Il y a certes une symbolique à demander à tout le monde de faire des sacrifices en période de crise budgétaire. Ce n'est toutefois pas avec des symboles que les coffres de l'État se regarniront. Les 139 778 $ versés aux vp de la SAAQ ne pèsent pas lourd. Il serait aussi injuste de rendre les dirigeants de la SAAQ responsables des pertes attribuables au mauvais rendement de ses avoirs à la Caisse de dépôt.
Par ailleurs, il est trop facile de justifier les primes et les autres avantages consentis aux dirigeants des sociétés d'État en affirmant que l'entreprise publique doit être gérée comme l'entreprise privée et que les mêmes règles doivent y avoir cours. Il y a certes des similitudes, mais des différences subsistent entre les deux secteurs.
Des sociétés d'État à vocation commerciale sont en situation de monopole. Leurs dirigeants n'ont pas à craindre la fermeture de leur «entreprise» ni une décote en bourse. Ils doivent par ailleurs remettre des dividendes au gouvernement tout en se souciant que les gens consommeront de l'alcool avec modération et qu'ils ne deviendront pas des joueurs compulsifs. Les dirigeants de sociétés d'État sont aussi exposés à la critique sur la place publique.
Ces gestionnaires n'ont toutefois pas à faire voeu de pauvreté. Il faut cependant éviter la surenchère et ne pas transformer les bonis en salaire déguisé. Quels indicateurs sont utilisés pour établir que tel dirigeant a réalisé un travail remarquable et qu'il mérite la prime prévue à son contrat? Qui a décidé des critères et qui les met en application? Si le processus était clair et connu, si le public n'avait pas l'impression que même les mauvais coups sont récompensés, le versement de primes aux hauts dirigeants de sociétés d'État susciterait moins de hauts cris et moins de récupération politique.