Attention chasseurs d'aubaines
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: la SAAQ présume que vous fraudez
À la recherche d'aubaines dans le secteur automobile? Ne lâchez pas, mais soyez avisé que la SAAQ ne reconnaîtra pas votre flair ou votre chance. Elle présumera que vous cherchez à la frauder.
Il y a quelques jours, après avoir amené le valeureux Honda à son 244 000ième km, décision est prise qu'il est probablement temps de le remplacer avant que trop de réparations ne surviennent.
La chasse au meilleur prix s'ouvre.
Après plusieurs visites de sites, un modèle Civic 2013 est repéré dans un centre d'automobiles d'occasion de la région de Montréal. Le centre dit pouvoir faire profiter "du plus grand choix de véhicules d'occasion aux meilleurs prix en Amérique du nord", et garantit le meilleur prix du marché. Le modèle est un DX (modèle de base). Il affiche 25 000 km au compteur, et le prix demandé est de 8000$.
Ca semble à première vue 1 500$ moins cher que ce qu'on voit à quelques endroits ailleurs. Petite recherche sur le concessionnaire pour s'assurer qu'il n'agit pas en marge des lois: rien à signaler sur le net. Visite au concessionnaire: il n'y a pas d'air climatisé, mais l'auto se comporte bien sur la route et n'affiche pas de problèmes décelables. Vérification des antécédents par le service Carproof: l'auto n'est pas rapportée accidentée ou volée.
Parfait: deal!
Le fédéral se sert et prend sa TPS sur le prix de vente convenu.
Deux jours passent. Au moment d'immatriculer à la Société de l'assurance automobile (SAAQ), Québec se sert et prend sa TVQ. Surprise, non pas sur 8 000$, mais sur 9 400$! C'est 1 400$ de plus que le prix de vente. La TVQ étant à 9,975%, c'est l'équivalent de 140$ de plus à verser au trésor public que ce que l'on s'attendait à devoir verser.
-Mais pourquoi ce rehaussement?, demande-t-on.
-Nous ajustons le prix en fonction de la valeur aux livres, répond la préposée, en précisant que celle-ci est fournie hebdomadairement par un magazine sur l'automobile (en fait, la formule semble être de prendre le prix fournit par le guide et d'y retrancher 500$).
-Peut-on contester la valeur établie? D'autant que le guide semble attribuer une valeur de 500$ supérieure à ce que nous avions personnellement comme repères de marché.
-Vous pouvez, mais il vous faudra faire venir un de nos experts pour qu'il procède à une évaluation du véhicule et c'est au moins 100$, répond-t-elle.
Vérification faite à partir d'autres sources, l'évaluation n'a pas forcément à être faite par un évaluateur du gouvernement. Elle pourra aussi être faite par un estimateur qui détient un titre professionnel. Ça ne change cependant rien au problème: il y a un coût important.
Revenu Québec abuse
Légitime cette façon de faire de la SAAQ (ou plutôt de Revenu Québec puisque la directive vient de là)?
Non.
À l'intérieur de certains paramètres, l'objectif peut certes se justifier. En rétablissant le prix de vente, la SAAQ cherche à se protéger contre de fausses déclarations qui permettraient à des acheteurs de ne pas verser leur juste part de TVQ. Postulons un véhicule qui vaut 10 000$ mais une vente qui s'effectue à 5000$. Le 5000$ n'apparaissant pas au contrat est versé sous la table. Ce qui fait que la TVQ n'est appliquée que sur la moitié du prix de vente réel. C'est une fraude du gouvernement.
Cela dit, la valeur d'un actif comporte une grande part de subjectivité, et doit en plus être appréciée dans différentes circonstances.
Un commerçant peut décider qu'il a besoin de faire de la place dans sa cour à un moment donné et baisser radicalement le prix de ses automobiles. Il peut aussi décider d'abandonner du profit pour remédier à une urgence de trésorerie. Il peut également décider qu'il vendra moins cher que les autres parce qu'il désire sortir un concurrent du marché.
Et ce n'est là que quelques-unes des situations plausibles propres au commerçant. Le bien peut de son côté également avoir des caractéristiques propres qui changent sa valeur. Un véhicule sans air climatisé vaut-il par exemple la même chose à Montréal qu'en Gaspésie? Le véhicule sans air climatisé à Montréal a en effet bien des chances d'être moins en demande.
Que fait le gouvernement de cette logique de fonctionnement de marché?
Il l'ignore totalement et nie au consommateur le droit d'établir qu'il a simplement fait une bonne affaire circonstancielle en lui imposant le fardeau financier de la démonstration.
Notons au passage, qu'évidemment, si la transaction est supérieure à la valeur aux livres, l'organisme ne réajuste pas le prix de sa TVQ à la baisse et la calcule sur le prix le plus élevé.
Il ne s'agit pas de dire que les prix de taxation d'une automobile ne devraient jamais être ramenés à la valeur marchande. Mais lorsqu'une transaction intervient avec un commerçant, au prix déjà affiché, et ne s'écarte que d'un peu plus de 15% de la valeur estimée du guide, l'intervention est abusive.
La TVQ est une taxe sur la vente, pas une taxe sur la valeur présumée au marché. Le Code civil du Québec prévoit que la bonne foi se présume. La politique de la SAAQ (ou plutôt de Revenu Québec) présume plutôt que vous cherchez à frauder.
Cette politique va à l'encontre des principes civils que l'on a enchâssés dans nos lois. Et parce qu'elle va à l'encontre de ces principes, elle est parfois susceptible de donner l'impression au contribuable de bonne foi que c'est lui qui vient de se faire frauder par l'État.
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