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Conduire avec un seul oeil

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La SAAQ l’obligeait à conduire des camions avec un seul œil

Magalie Lapointe Mercredi, 16 août 2017 22:50

SAINTE-BARBE | Un camionneur aveugle d’un œil n’aura pas à conduire à nouveau son camion comme voulait l’obliger la Société de l’assurance automobile du Québec.

En 1982, Guy Binette s’est fait piquer dans un œil par un taon alors qu’il se baladait en motocyclette.

Il n’a pas pu travailler pendant cinq ans et a reçu des indemnités de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) jusqu’en 1987.

Il a ensuite pu continuer de conduire des camions jusqu’en 2004, année de sa rechute. Il n’a plus jamais été capable de conduire un poids lourd par la suite.

Allocations

Mais en 2015, la SAAQ a allégé ses critères permettant à un aveugle d’un œil de conduire des camions. Elle a donc coupé les allocations de M. Binette en lui disant de retourner travailler.

L’homme de 60 ans a alors entrepris un combat d’un an et demi contre la SAAQ, qui lui a coûté 22 500 $ de frais divers, car il ne se voyait pas conduire avec un seul œil.

D’autant plus que les États-Unis ont des critères plus stricts et qu’il n’aurait pas pu traverser la frontière avec un camion dans cet état.

« Comment voulez-vous que je conduise un camion ? On dit qu’un camionneur doit avoir des yeux tout le tour de la tête et moi, il m’en manque un. C’est complètement illogique et ridicule ! » a lancé le camionneur en colère.

Appel

Une première décision avait donné raison à la SAAQ, mais M. Binette a fait appel. Au début août, deux juges administratifs lui ont donné gain de cause et la SAAQ devra maintenant l’indemniser de façon rétroactive.

« Ça fait peur se battre contre un géant comme la SAAQ. Ce sont des grosses machines. Mais je devais le faire, ça n’avait juste pas de bon sens », a dit le camionneur.

Selon M. Binette, s’il s’était plié à l’exigence de la SAAQ de retourner au travail, il aurait fini par perdre son permis de camionneur lors d’un test médical en raison de sa mauvaise vision périphérique.

Mais le combat contre la SAAQ a laissé des traces. Sans aucun revenu depuis janvier 2016, M. Binette a été obligé de mettre sa maison en vente en janvier 2017. Il l’a vendue en juin.

Maison

« Je n’ai eu qu’un visiteur, j’ai accepté l’offre. Ma maison valait 500 000 $ et je l’ai vendue 325 000 $. Je ne pouvais pas attendre et prendre le risque de ne plus être capable de faire les paiements », a-t-il raconté.

Puisqu’il était travailleur autonome lorsqu’il a fait sa rechute en 2004, il n’avait aucune assurance salariale.

Son avocat, Me Marc Bellemare, croit que le cas de M. Binette n’est pas unique.

« Cette histoire montre un côté scabreux de la SAAQ qui module son beau discours de sécurité routière à la baisse quand vient le temps d’indemniser un camionneur borgne et privé de vision binoculaire. Ça donne froid dans le dos », a ajouté l’avocat.

 

650 $ par semaine

La SAAQ devra payer environ 650 $ par semaine, et ce, jusqu’au 68e anniversaire de Guy Binette (68 ans étant l’âge maximal pour recevoir des indemnisations de la SAAQ).

L’indemnisation de la SAAQ devra être rétroactive en date de janvier 2016. M. Binette gagnait environ 1500 $ brut par semaine lorsqu’il était camionneur.

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