Applebaum coupable
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de huit des quatorze chefs d'accusation
L’ex-maire de Montréal par intérim Michael Applebaum a été déclaré coupable de huit des quatorze chefs d’accusation qui pesaient contre lui, dont fraude envers le gouvernement, abus de confiance et complot. Bien qu’aucune somme d’argent n’ait pu être saisie, la juge Louise Provost a prêté foi aux témoins de la Couronne, parmi lesquels Hugo Tremblay, ancien directeur de cabinet de Michael Applebaum, qui a trempé lui aussi dans des activités de corruption.
La crédibilité des témoins était au coeur de cette affaire, surtout celle d’Hugo Tremblay, qui était le seul à impliquer directement l’accusé relativement aux gestes illégaux reprochés. Bien que la juge ait relevé quelques contradictions dans son témoignage, elle a estimé que jamais les éléments essentiels n’avaient été contredits.
« La crédibilité et la fiabilité du témoignage de Tremblay sont évidentes. Son comportement, sa mémoire, son attitude devant le Tribunal, ses réponses précises, mais nuancées et non contredites démontrent qu’il dit la vérité », a déclaré la juge Provost. « Sans antécédents judiciaires, Hugo Tremblay n’était pas un témoin taré. »
Michael Applebaum, lui, avait décidé de ne pas témoigner à son procès.
L’ex-maire était accusé d’avoir touché ces pots-de-vin en échange de l’approbation d’un projet immobilier de la rue Troie en 2007 et de l’octroi d’un contrat d’entretien à la firme Sogep pour le centre sportif de Notre-Dame-de-Grâce en 2010. Lors de son témoignage, Hugo Tremblay avait affirmé avoir servi d’intermédiaire. Le premier pot-de-vin atteignait 30 000 $ et le second, 25 000 $, avait-il avancé.
Il avait longuement décrit les échanges d’argent comptant glissé dans des enveloppes ou dissimulé des boîtes de consoles de jeu vidéo. Il avait affirmé que son ancien patron l’avait initié à la corruption. Ayant décidé de collaborer avec la police, il avait même accepté de porter des micros sur lui pour tenter de piéger Michael Applebaum et le forcer à se compromettre, mais sans succès, car, avait-il expliqué, son ex-patron était très méfiant.
À cet égard, la juge a souligné que l’attitude, les chuchotements et les propos de Michael Applebaum lors de ces enregistrements « donnent à penser qu’il a assurément quelque chose à cacher ».
Quatre autres témoins avaient été entendus, soit les promoteurs immobiliers Robert Stein et Anthony Keeler ainsi que deux anciens employés de Sogep, Patrice Laporte et Mario Trudeau. La juge dit n’avoir détecté aucune collusion entre eux. À plusieurs égards, a-t-elle précisé, leurs témoignages ont confirmé les dires d’Hugo Tremblay. Aucun des cinq témoins n’a fait l’objet d’accusations.
La juge ne s’est pas étonnée que les policiers n’aient pu mettre la main sur les sommes obtenues illégalement. « En matière d’abus de confiance et de corruption, il est très rare que des sommes incriminantes soient conservées », a-t-elle souligné.
La juge a donc déclaré Michael Applebaum coupable de huit des quatorze chefs d’accusation portés contre lui, dont fraude contre le gouvernement, complot pour fraude envers le gouvernement, abus de confiance et complot pour abus de confiance.
Malaise en salle d’audience
Michael Applebaum a subi un malaise dans la salle d’audience durant la lecture du jugement.
M. Applebaum se tenait debout à la barre des témoins depuis plus d’une heure lorsque la juge s’est rendu compte de l’état d’affaiblissement de l’accusé. « Est-ce que ça va, M. Applebaum ? » a soudain demandé la juge. « M. Applebaum n’est pas bien », a-t-elle constaté.
Livide, M. Applebaum s’est affaissé, puis s’est assis. L’audience a été suspendue et a repris une quinzaine de minutes plus tard, mais M. Applebaum a tenu à demeurer debout jusqu’à la fin de la lecture du verdict.
M. Applebaum n’a pas émis de commentaires à sa sortie de la salle d’audience. « On va analyser le jugement et on verra s’il y a quelque chose à faire ou pas », a indiqué son avocat, Me Pierre Teasdale.
Il ne s’est pas étendu sur le malaise éprouvé par son client pendant la lecture du jugement. « Il se porte relativement bien dans les circonstances. Je n’en sais pas plus que vous. On a constaté qu’il a eu un malaise, mais il s’est senti assez à l’aise pour continuer l’audition », a-t-il dit.
Pour sa part, la procureure de la Couronne s’est dite satisfaite du verdict. « Ce qu’il faut retenir de la décision, c’est que la juge a déterminé que les témoins étaient crédibles et fiables dans leur narration des faits », a commenté Me Nathalie Kleber.
Les observations sur la peine ont été fixées au 15 février pour une durée d’une demi-journée. Michael Applebaum est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans.
Enterrer le passé
Le maire Denis Coderre a reconnu que le verdict rendu par la juge Provost constituait un signal fort. « C’est une triste journée pour le passé de Montréal, mais je pense que la page est tournée. On est rendus ailleurs et on n’a pas ces problèmes-là maintenant », a-t-il affirmé à Radio-Canada. « C’est un passé qu’on veut enterrer. C’est la fin d’un chapitre. On passe à d’autres choses, et je suis très heureux de voir que depuis trois ans, ici à Montréal, on fait les choses adéquatement », a-t-il dit. Le maire a rappelé que, peu après son arrivée au pouvoir en 2013, il avait créé le poste d’inspecteur général afin de mieux protéger les Montréalais.
Pour la chef de l’opposition, Valérie Plante, le jugement prononcé « envoie le message que nul n’est au-dessus des lois ». Mais elle a pris soin de préciser que « 21 ex-membres d’Union Montréal, auquel appartenait Michael Applebaum, siègent encore aujourd’hui dans l’équipe du maire de Montréal, Denis Coderre ».
Conseiller municipal depuis 1994, Michael Applebaum était devenu maire de l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce en 2002. En novembre 2012, il a accédé au poste de maire de Montréal après la démission de Gérald Tremblay. Il a été arrêté par l’Unité permanente anticorruption en juin 2013.
Les maires dans la tourmente
Gilles Vaillancourt, Laval (1989-2012)Le « roi » déchu de Laval a plaidé coupable le 1er décembre à des accusations de complot, de fraude et d'abus de confiance. Il a été condamné à 6 ans de pénitencier et s’est engagé à rembourser plus de 8 millions de dollars.
Sylvie St-Jean, Boisbriand (2005-2009)
Arrêtée par l'escouade Marteau en février 2011, l'ancienne mairesse a plaidé coupable trois ans plus tard à des accusations de fraude, de complot et d'abus de confiance. Elle a été condamnée à une peine de prison de deux ans moins un jour avec sursis.
Robert Poirier, Boisbriand (1998-2005)
Appréhendé en avril 2011, le prédécesseur de Sylvie St-Jean a été condamné à 18 mois de prison ferme en 2016 pour fraude, complot et abus de confiance. La cause est en appel.
François Roussy, Gaspé (2005-2013)
L'ex-maire de Gaspé a été arrêté en mars 2016 par l'UPAC en même temps que l'ancienne vice-première ministre libérale Nathalie Normandeau. Il est accusé de complot, de corruption, de fraude et d'abus de confiance.
Richard Marcotte, Mascouche (1991-2012)
L'ex-maire de Mascouche a été arrêté en 2012 dans le cadre de l'opération Gravier de l'UPAC. Accusé de fraude, de complot et de corruption, il est décédé des suites d'un cancer avant la tenue de son procès.
Michel Lavoie, Saint-Rémi (2008-2013)
Arrêté à trois reprises par l'UPAC, l'ancien représentant de la petite municipalité de la Montérégie a été relevé de ses fonctions à deux mois des élections de 2013. En décembre dernier, il a plaidé coupable à trois chefs d'accusation pour abus de confiance.